Mythologie de Noël en Islande

L'Islande... terre de glace
Ce pays situé à la limite du cercle polaire nous fait fantasmer. On connaît l'Islande pour ses volcans, ses trésors géothermiques, ses paysages extrêmes, mais aussi pour la singulière chanteuse Bjork (et accessoirement désormais depuis l'euro 2016 pour son équipe de foot qui avec beaucoup de talent, d'humour et de fair-play, s'était attirée toute notre sympathie)
Seulement 3,2 habitants au km2 et tous regroupés dans la capitale, Reykjavik... dans le reste du pays : personne ! Ça fait rêver, n'est-ce pas ?
Les Eddas

La mythologie nordique est d'une richesse inouïe et l'Islande est assez fascinante, baignée depuis des siècles par les Eddas, des manuscrits poétiques remontant au 13ème siècle et contant notamment l'histoire de divinités tels que Thor ou Odin (je vous promets qu'on reviendra très prochainement sur ces deux là) ou d'autres créatures. Durant la fête traditionnelle de Yule, célébrant le Solstice d'hiver dans les pays germaniques (Jól en islandais, Jul en danois, norvégien et suédois), de nombreux personnages se croisent tout à la fois extravagants, inquiétants, abominables, punisseurs ou simplement facétieux...

Grýla

Tout d'abord parlons de Grýla (dont le nom est mentionné dans les Eddas), une terrible ogresse à moitié humaine et à moitié animale, toujours de mauvaise humeur, habitant en montagne dans la région de Dimmuborgir (un secteur volcanique dont le nom signifie châteaux sombres). Elle vit dans une caverne avec son troisième mari Leppalúði, un troll rustre et extrêmement paresseux (qu'a-t-elle donc fait de ses deux premiers maris ? on préfère ne pas le savoir... il a été dit qu'elle ne les supportait plus), son chat et ses 13 enfants. Grýla inspirait une telle peur aux plus jeunes qu'en 1746, un décret fut voté interdisant son utilisation dans l'éducation des enfants !
Le plat préféré de Grýla est, comme on pouvait s'y attendre, le ragoût d'enfants bouillis !
Je vous épargne les images gores la représentant ; je ne suis pas facilement impressionnable par les films d'horreur et pourtant, je peux vous assurer que certaines œuvres où on la voit manger ses proies font réellement peur, elle est absolument terrifiante. Nos Père Fouettard, Krampus... et autres croque-mitaines n'ont rien à lui envier. Dans certaines histoires, on lui attribue des cornes et des sabots de bêtes, plusieurs têtes et 13 queues. Brrrr.... Chaque année, peu avant le solstice d'hiver à l'approche de Noël, elle quitte les montagnes et descend dans les villages en quête d'enfants pas sages, impolis, paresseux ou encore méchants, et son appétit est insatiable.



Jólakötturinn
L'animal de compagnie de Grýla est Jólakötturinn (ou Jólaköttur), un chat monstrueux et gargantuesque, détestable et odieux. Ses dents sont pointus et ses yeux jaunes flamboyants. Il accompagne sa maîtresse lors de sa virée de Noël mais "rassurez-vous", il ne mange pas que les enfants car il s'en prend aussi aux adultes ! Jólakötturinn déteste les gens paresseux qui remettent leurs tâches eu lendemain, qui n'aident pas aux travaux du village ou qui ne terminent pas leurs ouvrages de couture.
Il est malgré tout assez facile de lui échapper il suffit pour cela d'avoir reçu en cadeau des vêtements neufs. Le chat passe ainsi devant toutes les fenêtres des villages et s'il voit les enfants ou des adultes tenir un paquet contenant des vêtements, il miaule puis passe tout simplement son chemin jusqu'à la maison suivante. Dans le cas contraire, juste avant de vous dévorer tout cru, il s'attaque à votre festin de Yule... un chat abominable mais aussi très affamé visiblement ! Aujourd'hui encore de nombreux islandais prennent la peine de s'acheter ou d'offrir des nouveaux vêtements pour les fêtes de fin d'année, ne serait-ce qu'une simple paire de chaussettes ou un pyjama. Sait-on jamais, mieux vaut prévenir que courir avec Jólakötturinn à ses trousses.

En 1987, la chanteuse Bjork a mis en musique un célèbre poème folklorique islandais dédié à Jólakotturinn. Cette chanson a été éditée en Islande en décembre de la même année dans la compilation de Noël Hvít Er Borg Og Bær (difficile à traduire, même pour Google, il semble que le titre de l'album fasse référence à la couleur blanche, à un ours et à une ville).


Voici tout d'abord les paroles en islandais. J'ignore si vous pourrez les lire. Moi je ne peux pas, mais graphiquement je trouve cette langue tellement jolie ! Jólakötturinn

Þið kannizt við jólaköttinn
- sá köttur var griðarstór
Fólk vissi'ekki hvaðan hann kom
eða hvert hann fór

Hann glennti upp glyrnurnar sinar
glóandi báðar tvær
Það var ekki heiglum hent
að horfa í þær

Kamparnir beittir sem broddar
upp úr bakinu kryppna há
og klærnar à loðinni löpp
var ljótt að sjá

Því var það, að konurnar kepptust
við kamba og vefstól og rokk
og prjónuðu litfagran lepp
eða lítin sokk

Þvi kötturinn mátti' ekki koma
og krækja í börnin smá
Þau urðu að fásína flík
þeim fullorðnu hjá

Og er kveikt var á jólakvöldið
og kötturin gægðist inn
stóðu börnin bísperrt og rjóð
með böggulinn sinn

Hann veifaði stélinu sterka
hann stökk og hann klóraði' og blés
og var ýmist uppi í dal
eða úti' um nes

Hann sveimaði, soltinn og grimmur
í sárköldum jólasnæ
og vakti í hjörtunum hroll
á hverjum bæ

Ef mjálmað var aumlega úti
var ólukkan samstundis vís
Allir vissu' að hann veiddi menn
en vildi ekki mýs

Hann lagðist á fátæka fólkið
sem fékk enga nýja spjör
fyrir jólin - og baslaði og bjó
við bágust kjör

Frá því tók hann ætið í einu
allan þess jólamat
og át það svo oftast nær sjálft
ef hann gat

Því var það, að konurnar kepptust
við kamba og vefstól og rokk
og prjónuðu litfagran lepp
eða lítin sokk

Sum höfðe fengið svuntu
og sum höfðu fengið skó
eða eitthvað, sem þótti þarft
en þad var nóg

Þvi kisa máti' engan eta
sem einhverja flíkina hlaut
Hún hvæsti þá heldur ljót
og hljóp á braut

Hvort enn er hún til, veit ég ekki
en aum yrði hennar för
ef allir eignuðust næst
einhverja spjör

Þið hafið nú kannske í huga
að hjálpa, ef þörf verður á
máske enn finnist einhver börn
sem ekkert fá

Máske, að leitin að þeim sem líða
af ljósskorti heims um ból
gefi ykkur góðan dag
og gleðileg jól


Les paroles en anglais :

You all know the Yule Cat
And that Cat was huge indeed.
People didn’t know where he came from
Or where he went.

He opened his glaring eyes wide,
The two of them glowing bright.
It took a really brave man
To look straight into them.
His whiskers, sharp as bristles,
His back arched up high.
And the claws of his hairy paws
Were a terrible sight.

He gave a wave of his strong tail,
He jumped and he clawed and he hissed.
Sometimes up in the valley,
Sometimes down by the shore.

He roamed at large, hungry and evil
In the freezing Yule snow.
In every home
People shuddered at his name.

If one heard a pitiful “meow”
Something evil would happen soon.
Everybody knew he hunted men
But didn’t care for mice.

He picked on the very poor
That no new garments got
For Yule – who toiled
And lived in dire need.
From them he took in one fell swoop
Their whole Yule dinner
Always eating it himself
If he possibly could.

Hence it was that the women
At their spinning wheels sat
Spinning a colorful thread
For a frock or a little sock.

Because you mustn’t let the Cat
Get hold of the little children.
They had to get something new to wear
From the grownups each year.

And when the lights came on, on Yule Eve
And the Cat peered in,
The little children stood rosy and proud
All dressed up in their new clothes.

Some had gotten an apron
And some had gotten shoes
Or something that was needed
– That was all it took.

For all who got something new to wear
Stayed out of that pussy-cat’s grasp
He then gave an awful hiss
But went on his way.

Whether he still exists I do not know.
But his visit would be in vain
If next time everybody
Got something new to wear.

Now you might be thinking of helping
Where help is needed most.
Perhaps you’ll find some children
That have nothing at all.

Perhaps searching for those
That live in a lightless world
Will give you a happy day
And a Merry, Merry Yule.


Les jólasveinarnir
Après la présentation de son animal domestique, vous vous demandez j'en suis sure à quoi peuvent bien ressembler les enfants de Grýla ?

L'ogresse a 13 fils, les jólasveinarnir (ou jólasveinar), des lutins de Noël. Contre toute attente, ils ne sont pas si terribles, ils seraient même plutôt amusants et farceurs.
Ils sont connus pour avoir chacun une caractéristique particulière (un peu comme les sept nains de Blanche-Neige) et se relaient pour visiter les petits islandais à tour de rôle, 13 jours durant, les 13 soirées précédents Noël. Et chacun repart 13 jours plus tard. Les enfants placent leurs chaussures sur leur rebord de fenêtre et les 13 lutins facétieux y glissent chaque jour des bonbons (si l'enfant a été sage) ou des pommes de terre pourries (dans le cas contraire)... une chouette tradition qui permet de patienter jusqu'à Noël tout en s'amusant. Voici les noms et caractéristiques des jólasveinarnir, listés en 1932 par l'auteur Jóhannes úr Kötlum dans son livre Jólin koma (Noël vient), extrêmement célèbre en Islande.

Stekkjarstaur

Stekkjarstaur est le tout premier lutin à venir le 12 décembre, il repart le 25 décembre. Ce lutin-berger se glisse subrepticement la nuit dans les bergeries afin d'essayer de téter le lait des brebis et rendre les moutons complètement fous ! Il a un sérieux handicape toutefois, des jambes toutes raides.

Giljagaur

Giljagaur arrive le 13 décembre et repart le 26 décembre.
Ce gourmand pénètre dans les fermes afin de dérober le lait des vaches.

Stúfur

Stúfur arrive le 14 décembre et repart le 27 décembre.
Il est le plus petit de tous les lutins ce qui lui permet de se faufiler facilement dans les cuisines. S'il vous manque une casserole, ne cherchez plus, c'est lui. Il adore racler le fond des poêles et des moules à gâteaux afin de finir les restes!

Þvörusleikir

Þvörusleikir arrive le 15 décembre et repart le 28 décembre.
Il est tout maigrichon et lui, son truc, c'est laper les cuillères en bois qui ont servi à préparer le repas... ce qui explique sans doute son poids, lécher les cuillères, ça ne nourrit pas un lutin !

Pottasleikir

Pottasleikir arrive le 16 décembre et repart le 29 décembre.
Encore un gourmand qui dérobe les restes de nourritures dans les grandes marmites cette fois.

Askasleikir

Askasleikir arrive le 17 décembre et repart le 30 décembre.
Il se cache sous les lits et se jette ensuite hors de sa cachette pour lécher les gamelles des chats et des chiens de la maisonnée ! Je n'ose imaginer un chat courir après un lutin dans une cuisine, le spectacle doit être hilarant.

Hurðaskellir

Hurðaskellir arrive le 18 décembre et repart le 31 décembre.
Celui qu'on maudit à l'heure du coucher car il a la sale manie de claquer les portes de chambres toute la nuit durant, et cela, rien que pour vous embêter !

Skyrgámur

Skyrgámur arrive le 19 décembre et repart le 1er janvier.
Ce lutin très gourmand a un faible pour le skyr (spécialité laitière norvégienne apportée en Islande par les vikings, ressemblant un peu à notre yaourt) dont il ne peut se passer. Quand il est dans les parages, inutile d'espérer pouvoir dissimuler votre skyr, il le repèrera quoi qu'il arrive !

Bjúgnakrækir

Bjúgnakrækir arrive le 20 décembre et repart le 2 janvier.
Ce lutin est mangeur de saucisses... qu'ils préfèrent quand elles sont fumées. Aussitôt trouvées, aussitôt englouties !

Gluggagægir

Gluggagægir arrive le 21 décembre et repart le 3 janvier.
Un fouineur qui vous observe par la fenêtre depuis l'extérieur. Dès que vous avez le dos tourné, il pénètre chez vous à pas de velours pour voler tous les objets qu'il trouve jolis ou amusants. Les enfants, un bon conseil, cachez vos jouets !

Gáttaþefur

Gáttaþefur arrive le 22 décembre et repart le 4 janvier.
Son nez anormalement long lui permet de renifler sous les portes afin de repérer les bons gâteaux. Son préféré est le Laufabrauð (ou Leafbread), un pain frit islandais préparé traditionnellement pour Noël et superbement décoré comme un napperon, c'est un travail fastidieux mais le résultat est fin et beau comme tout.

Ketkrókur
Ketkrókur arrive le 23 décembre et repart le 5 janvier.
Ce lutin porte en permanence sur lui un crochet de boucher. Il s'en sert pour dérober des pièces de Hangikjöt, une viande fumée (agneau ou mouton) préparée traditionnellement pour les fêtes.

Kertasníkir

Kertasníkir, dernier arrivé le 24 décembre, il repart le 6 janvier.
Il poursuit les enfants afin de leur voler leurs bougies de Noël et laisser la maisonnée dans le noir complet !

Ces dernières années, deux autres lutins facétieux ont fait leur apparition :
- Kortaklettar le coupeur de carte bancaire punissant ceux qui se sont laissés prendre par la surconsommation des fêtes de fin d'années.
- Aldafeykir qui, quant à lui, soulève les jupes des femmes (non mais quelle idée ?!).

Je ne sais pas vous, mais moi, tout cela m'a furieusement donné envie d'aller passer Noël en Islande !

Sources :
- Grapevine
- I Love Reykjavik
- Wilder Utopia
- Aventures en Islande
- Scary Little Christmas
- Smithsonian Mag pour les illustrations
- The Lost Female Figures of Christmas
- Toute l'Islande
- Wikipedia (en/fr)

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