Baby it's cold outside VS. les woke

Un billet d'humeur suite au reboot de l'album de Noël de John Legend qui a décidé d'embrasser le politiquement correct...


A Noël 2018, suite au mouvement "Me Too", bon nombre de radios américaines avaient supprimé de leur antenne la chanson Baby it's cold outside, devenue indésirable et répréhensible. L’affaire avait fait grand bruit dans les médias. Mais que reprochait-on au juste d’aussi horriblement offensant à un chant de Noël ?

Écrite et composée par Frank Loesser en 1944 pour son épouse (oui !), cette délicieuse chanson est un pétillant duo qui fut utilisée dans la comédie musicale La Fille de Neptune cinq ans plus tard.
Baby it's cold outside met en scène un jeune couple se donnant la réplique : c’est la nuit de Noël, dehors une tempête de neige fait rage et le jeune homme fait tout pour retenir la demoiselle chez lui ; cette dernière invente alors toutes sortes d’excuses pour s’éclipser (ma mère va s'inquiéter, mon père va m’attendre en faisant les 100 pas, ma sœur est méfiante, ma tante est vicieuse, les gens vont parler, je devrais dire non…) mais décide finalement de prendre un dernier verre avec son prétendant.

La version du film La Fille de Neptune :


La strophe controversée est celle-ci :

"The neighbors might think (baby, it's bad out there)
Say what's in this drink? (no cabs to be had out there)"

"Que vont penser les voisins (bébé dehors il fait froid)
Mais dis-moi, qu'as-tu mis dans mon verre ? (il n’y a aucun taxi dehors)"


Ces paroles sont aujourd’hui considérées par certains comme une apologie du viol, l’homme étant soupçonné d’avoir drogué la jeune fille pour l’agresser sexuellement.

La chanson, immortalisée par Dean Martin en 1959 (puis par Ella Fitzgerald, Louis Armstrong, Lady Gaga, Tom Jones, Michael Bublé, Seth MacFarlane, She & Him, etc…), s’amuse avant tout des relations hommes-femmes. Elle traite d’un flirt le temps d’une soirée, et ne laisse à aucun moment présager le pire à moins d’avoir l’esprit particulièrement mal tourné et tordu et de n’avoir rien d’autre à faire de ses journées que de tirer d’improbables plans sur une comète qui n’existe pas.

L’incontournable version de Dean Martin, accompagné d’un chœur féminin :



La version de Michael Bublé & Idina Menzel dont j’adore le clip :



La version de Tom Jones & Cerys Matthews, culottée à souhait, dont j’adore l’audace :



Un an après, alors que tout le monde pensait cette polémique idiote finalement oubliée et enterrée, qu’en est-il ? Et bien le politiquement correct semble avoir remporté un nouveau point, à la plus grande joie des pisse-froids. Le célèbre compositeur et interprète John Legend vient tout simplement de réécrire les paroles de la chanson en remplaçant les vers incriminés. L’artiste, qui avait sorti un album de Noël en octobre 2018, A Legendary Christmas, a fait une "mise à jour" (la mode est aux reboots) de cet album dont la ressortie est prévue, la semaine prochaine, le 8 novembre.

Les paroles originales en gras et les paroles réécrites par John Legend et l'actrice/auteur Natasha Rothwell en italique :

I've got to go away (but baby, it's cold outside) | Je dois partir (mais bébé, il fait froid dehors)
I’ve gotta go away (I can call you a ride) | Je dois partir (je peux t'appeler un taxi)

This evening has been (been hoping that you'd drop in) | Ce soir a été (j'espérais que tu viendrais)
This evening has been (So glad that you dropped in) | Cette soirée a été (tellement heureux que vous soyez venue)

So very nice (I'll hold your hands, they're just like ice) | Tellement agréable (je te tiens les mains, elles sont glacées)
So very nice (Time spent with you is paradise) | Tellement agréable (le temps passé avec vous est paradisiaque)

My mother will start to worry (beautiful what's your hurry?) | Ma mère va commencer à s'inquiéter (ma beauté, qu’est-ce qui vous presse ainsi ?)
My mother will start to worry (I’ll call a car and tell ’em to hurry) | Ma mère va commencer à s'inquiéter (je vais vous appeler un taxi et lui dire de se dépêcher)

The neighbors might think (baby, it's bad out there) | Que vont penser les voisins (bébé dehors il fait froid)
What will my friends think (I think they should rejoice) | Que vont penser mes amis (ils devraient se réjouir)

Say what's in this drink? (no cabs to be had out there) | Mais dis-moi, qu'as-tu mis dans mon verre ? (il n’y a aucun taxi dehors)
If I have one more drink? (It’s your body, and your choice) | Et si je prenais un dernier verre ? (c’est ton corps, c’est ton choix)

En dehors du fait que les nouvelles paroles sont une trahison de l’œuvre originale, je suis juste profondément attristée par le fait qu’un artiste change un texte à sa guise d'une chanson dont il n'est pas l'auteur, afin de plaire à une minorité d’écervelés. Le monde est con-con par moment, même si ce n’est pas nouveau, ça reste historiquement et culturellement très dommage(able) et lamentable.

Quant on n'aime pas une histoire, on ne la raconte pas...
Toutefois, quand on songe que depuis la censure de Noël 2018 (qui a malgré tout été de courte durée) la chanson a vu ses téléchargements augmentés de 70% (source : MyMerryChristmas) et que John Legend profite de cette réédition "modifiée" pour sortir un album deluxe... on se dit finalement que l'amour de l'art, l'amour de Noël et le mouvement Mee Too pèsent bien peu dans la balance.

Je vous laisse, je vais écouter Seth MacFarlane sur qui on peut toujours compter :


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