Le Muguet du 1er Mai

Depuis l’Antiquité, le muguet annonce le retour des beaux jours et est sans aucun doute l’une des fleurs les plus emblématiques du printemps. Il a été longtemps considéré comme une fleur magique et l’on s’en servait pour attirer les bonnes grâces des éléments et ainsi s’assurer de bonnes récoltes.
Dans le langage des fleurs, le muguet symbolise le retour du bonheur, la fougue de la jeunesse et la coquetterie. Aujourd’hui, selon la tradition, on l’offre le 1er mai car il porte bonheur.

Le nom officiel du muguet est « convallaria majalis » du latin convallaria - vallée encaissée et majalis - qui fleurit en mai. Ce nom lui avait été attribué en 1753 par le naturaliste suédois Carl von Linné (1707-1778). De manière beaucoup plus romantique, on le prénomme affectueusement amourette, clochette des bois, lily of the valley (lys des vallées), lys de mai, larmes de Sainte Marie…

Le muguet pousse au printemps, dans les sous-bois et les jardins ombragés des régions tempérées, mais sa période de fleuraison est très courte, de l’ordre de 3 à 4 semaines. Il se présente sous la forme d’un brin (hampe), une grappe de deux feuilles et de petites fleurs blanches ou rosées en forme de clochettes. Une légende raconte que si l’on prête l’oreille, on entend au fond des bois la douce musique de ses jolis et fragiles grelots.

Attention, le muguet reste toutefois une plante cardio-toxique (provoque l’arrêt cardiaque) et mortelle dans certains cas (ingurgiter l’eau du muguet vous sera fatal). Le muguet contient en outre des saponosides particulièrement irritants.

De très nombreuses légendes entourent le muguet, sa naissance et ses pouvoirs magiques.

Mythologie Grecque
Dans la mythologie grecque, Apollon (dieu des arts, du chant, de la musique, de la beauté masculine, de la poésie et de la lumière) aurait créé le muguet afin de l’offrir à ses neuf muses, pleines de grâce, Clio, Calliope, Melpomène, Thalie, Euterpe, Terpsichore, Érato, Polymnie et Uranie, chacune représentant un art. Les muses aux pieds nus avaient ainsi un doux tapis parfumé sur lequel marcher.
Apollo, Mnemosyne, and the Nine Muses (1761)
Anton Raphael Mengs (1728–1779)

Mythologie Romaine
Du 27 avril au 2 mai, durant 5 nuits consécutives, les Romains célébraient les Floralia, une fête agraire instaurée en premier lieu chez le peuple Sabin, puis petit à petit dans tout l’empire romain, en l'honneur de Flora (nymphe Chloris chez les Grecs), épouse du vent de l'ouest, Zéphyr. Ce dernier aimait tellement Flora, qu’il la fit jouir d’une jeunesse éternelle.
Flora - Sebastiano Ricci, c. 1712-1716
Blanton Museum of Art - Austin, Texas

Flora était la déesse de la fertilité du monde végétal, protectrice des arbres fruitiers, des céréales, des fleurs sauvages et des jardins. En l’honneur de Flora, on organisait des chasses nocturnes, des jeux, des représentations théâtrales, on dansait et on chantait afin de chasser les mauvais esprits et s’assurer ainsi de bonnes récoltes.
Floralia, 1898 - Hobbe Smith (1862 - 1942)

Tradition celtique, la fête de Beltaine
Chez les celtes, Beltaine, fête du « Renouveau » et du changement de rythme de vie (vie agraire et champêtre, chasse, activités diurnes, etc…), marquait le début de la belle saison estivale, claire et lumineuse. Lors de la nuit précédant le 1er mai, le voile séparant notre monde de celui des fées était plus fin, et il convenait de ne pas fréquenter certains lieux afin de ne pas déranger le « Petit Peuple ». Lors de cette nuit magique, les traditions folkloriques étaient légion : grands feux festifs et purificateurs allumés par les druides, plantation de l' « Arbre de Mai » (rite de fécondité), danses autour du « Mât de Mai » (symbole phallique, avec, accrochés en son sommet des rubans de toutes les couleurs, tradition encore suivie aujourd'hui). On pratiquait divers rituels afin de protéger les habitations, comme la cueillette de certaines plantes et fleurs, et ce afin d’assurer son bonheur futur, prospérité et fertilité… Certains de ces rites celtes sont encore pratiqués dans certains pays et certaines régions de France (Bretagne notamment). Notre muguet porte-bonheur n’est autre qu’une réminiscence des célébrations de Beltaine.
Beltaine - David Rich - CC-NC-2.0

Légendes chrétiennes
Une légende conte la vie et les aventures de Saint Léonard et expliquerait partiellement la croyance dans le muguet porte-bonheur. Ce Saint, qui vivait en ermite en forêt terrassa un jour un dragon. Lors du combat, Saint Léonard versa quelques gouttes de sang qui donnèrent naissance au muguet.

Le muguet est également associé à la Vierge Marie. Les larmes versées par la Madone au pied de la Croix auraient donné naissance à la délicate fleure printanière.

Dans le Livre de la Genèse, « Ce sont les larmes versées par Ève en quittant le Jardin d’Eden qui seraient à l'origine de la création du muguet. » (Petit livre du langage des fleurs - Ed. Chêne)

Amour au Moyen-Âge
Le printemps est, encore aujourd’hui, la saison des mariages. De la même façon, au Moyen-Âge, le mois de mai était le temps des « accordailles » et à cette occasion, les jeunes hommes accrochaient un brin de muguet, symbole de beauté et de pureté, à la porte de leur bien-aimée dont ils attendaient un tendre baiser.
Renaissance, fin du Moyen-Âge et début des Temps Modernes
Dans les campagnes françaises, à la Renaissance, à l’instar des celtes, on s’offrait du muguet afin de célébrer le printemps et repousser les difficultés de l’obscure période hivernale. Ainsi, le 1er mai 1560, en visite chez sa mère Catherine de Médicis dans la Drôme, le roi Charles IX se vit offrir un brin de muguet par le chevalier Louis de Girard de Maisonforte, cueilli dans son jardin à Saint-Paul-Trois-Châteaux. « Qu'il en soit fait ainsi chaque année !» s’exclama le Roi. Surpris et enchanté par cette élégante attention, il décida d’instaurer cette tradition. Dès l’année suivante, le 1er mai, on offrait ainsi du muguet à toutes les gentes dames de la cour.

Une autre version de cette même histoire raconte qu'en 1560, Catherine de Médicis chargea le chevalier de Saint-Paul-Trois-Châteaux d’une mission secrète auprès des Borghèse. De retour de mission, heureux de son succès, il offrit au Roi un brin de muguet cueilli dans les bois.

Evènements marquants qui ont popularisé le muguet aux 19ème et 20ème siècle
En France, dès le début du 19ème siècle, on organisait de joyeuses fêtes populaires célébrant la cueillette du muguet.

Le 1er mai 1895, le jeune chanteur Felix Mayol (que les « anciens » connaissent tous pour l’inénarrable chanson Viens, poupoule ! en 1902) entama sa toute première série de concerts à Paris. A sa descente du train en Gare St Lazare, pour lui porter chance, Jenny Cook, une bonne amie parisienne, lui offrit un bouquet de muguet porte-bonheur. Le chanteur garda un brin à la boutonnière de sa redingote durant son premier concert et le spectacle fut un succès. Mayol raconta plus tard dans ses mémoires qu’il fit alors du muguet son emblème et que ses fans ont suivi le mouvement.

Le 1er mai 1900, les grands couturiers parisiens offrirent un brin de muguet à toutes les femmes. Les couturières de ces grandes maisons trouvèrent l’idée tellement charmante qu’elles décidèrent de faire perdurer par la suite la tradition pour leurs clientes. Christian Dior en fit en outre l’emblème de sa Maison de couture.

En France, il existe une tradition selon laquelle un brin de muguet à 13 clochettes porterait bonheur et les noces de muguet symbolisent les 13 ans de mariage.

A noter enfin que le muguet est la fleur nationale de la Finlande depuis 1982.
Et la Fête du Travail dans tout cela ?
La Fête du Travail française, le 1er mai, trouve ses origines aux Etats-Unis en 1886. A Chicago, le 1er mai, les syndicats américains revendiquèrent la journée de 8 heures de travail. Les revendications ne furent pas entendues et le mouvement fit des dizaines de morts.
En 1889 à Paris, l’Internationale Ouvrière (Internationale Socialiste) entra à son tour dans la lutte et, en mémoire à tous les travailleurs morts à Chicago 3 ans plus tôt, fit du 1er mai leur journée de revendication. En 1919, la conception française du code du droit du travail sortit victorieuse et les délégués français firent inscrire au Traité de Versailles la journée de 8 heures.
Le 24 avril 1941, sous l’Occupation, le maréchal Pétain imposa le 1er mai comme « Fête du Travail et de la Concorde sociale » afin de rallier les ouvriers au gouvernement de Vichy. Le 1er mai devint férié, chômé et payé. L'Églantine rouge, associée à aux contestations socialistes, fut alors remplacée par le muguet.
Rosa rubiginosa inflorescence - Wikimedia - CC
Qui a le droit de vendre du muguet le 1er mai ?
Tolérance officielle du 1er mai : tout le monde !
N’importe quel particulier sans autorisation a le droit de vendre des brins de muguet sur la voie publique, le 1er mai. Certaines conditions et obligations légales sont toutefois requises:
  • Le muguet doit avoir été cueilli dans les bois ou dans son propre jardin
  • La revente est strictement interdite
  • Le vol du muguet dans les jardins du voisinage est bien entendu interdit !
  • The Lily-of-the-Valley Fairy, poème de Cicely Mary Barker
    Depuis les coutumes ancestrales païennes, le petit brin du muguet a fait bien du chemin. Il est aujourd’hui partout, dans toutes les maisons, toutes les mains et tous les cœurs. Finissons sur une note romantique et poétique…
    © The Complete Book of the Flowers Fairies

    Cicely Mary Barker (1895 - 1973) est une célèbre illustratrice et auteur britannique connue notamment pour ses magnifiques et très poétiques illustrations de fées et de fleurs. Malheureusement pour nous, en France, elle n'a pas connu et ne connaît toujours pas aujourd'hui le succès qu'elle mérite.

    Au début du 20ème siècle, les fées et les elfes deviennent prépondérantes dans la littérature de fiction britannique et plus globalement anglo-saxonne (voir notamment Peter Pan de J.M. Barrie, les écrits de J.R.R. Tolkien, The Wonderful Wizard of Oz de Lyman Frank Baum, ou encore l’intervention de Sir Arthur Conan Doyle dans l’affaire des photos des fées de Cottingley…).

    Cicely Mary Barker participe activement à la popularisation du « Petit Peuple » auprès du grand public en publiant en 1923 l’ouvrage Flower Fairies of the Spring, son premier recueil d’illustrations, inspirées des fleurs de son jardin et des bois, chaque fleur étant représentée par une fée et accompagnée d’un poème. Par la suite, elle publiera d’autres ouvrages sur d’autres saisons, des séries de cartes…
    Vous pourrez retrouver son travail dans la magnifique livre The Complete Book of the Flowers Fairies édité chez Penguin Books et reprenant les quatre saisons, ses séries des bois et des jardins et sa série Alphabet. En France, ce livre a été traduit par l’elficologue Pierre Dubois et publié en 2004 chez Hoëbeke sous le titre Le Jardin féerique de Mary Cicely Barker.

    Dans la série A Flower fairy Alphabet, à la lettre « L », comme Lily-of-the-valley, on retrouve bien évidemment le muguet, emblématique du printemps.

    The Song of the Lily-of-the-valley Fairy

    Gentle fairies, hush your singing:
    Can you hear my white bells ringing,
    Ringing as from far away?
    Who can tell me what they say?

    Little snowy bells out-springing
    From the stem and softly ringing—
    Tell they of a country where
    Everything is good and fair?

    Lovely, lovely things for L!
    Lilac, Lavender as well;
    And, more sweet than rhyming tells,
    Lily-of-the-Valley’s bells.

    Ecoutez, au loin dans les sous-bois le
    tintement des délicates clochettes du muguet…
    à moins que ce ne soit le chant d’une fée…

    Heureux premier mai à toutes et tous !

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