Pâquerette, la petite marguerite

Aux origines mythologiques de la pâquerette, fleur de l’amour
Dans la mythologie greco-romaine, Belides était une dryade, une nymphe (divinité mineure) associée aux arbres de la forêt et plus particulièrement au chêne. Même si elles n'étaient pas immortelles, ces nymphes pouvaient vivre extrêmement longtemps. Les dryades, libres, résidaient dans les bois, toutefois, particulièrement timides, elles ne se montraient que bien rarement. Elles sortaient d’un arbre appelé « l’Arbre des Hespérides » (les nymphes du couchant), situé dans le jardin des Hespérides, aux confins occidental du monde et dont le fabuleux verger abritait des pommes d’or, que protégeaient les dryades. Le mythe des dryades raconte que si le chêne meurt, la dryade mourra également et que c'est pour cette raison que les Dieux punissent les mortels qui nuisent aux arbres.

Lors d’une de ses sorties, Belides fut aperçue subrepticement à l’orée de la forêt par Vertumne, Dieu des jardins et des vergers, qui tomba sous les charmes de la dryade et désira en faire une de ses nombreuses conquêtes printanières. Il la poursuivit alors dans les sous-bois mais Belides recherchait quant à elle le « véritable amour ». Afin d’échapper aux assiduités et à l’attention du Dieu, elle se métamorphosa en pâquerette.

Depuis lors, la pâquerette est associée à l’amour éternel et symbolise tout à la fois l’innocence, la tendresse, l’affection pure mais également l’amour maternel. C’est en effet la fleur que les enfants préfèrent offrir à leur maman.

Par ailleurs, l’autre nom de la pâquerette est « petite marguerite », fleur dont on compte et ôte les pétales afin de savoir si l’être aimé secrètement nous aime un peu, beaucoup, passionnément, à la folie… ou pas du tout !

Pâquerette, fleur de lumière
Tous comme les humains dont les yeux se ferment la nuit, et à l’instar de tant d’autres fleurs, la pâquerette se ferme le soir venu… mais aucunement pour dormir ! La pâquerette se protège ainsi du froid et des insectes nuisibles. Elle se ferme également peu avant les averses pour protéger de l’eau son pollen et ses parties reproductrices. Si vous voyez des pâquerettes fermées en milieu de journée, c'est un bon indice que la pluie arrive, donc ayez l’œil ! Dès l’aurore, la pâquerette s’ouvre à nouveau pour s’épanouir au soleil.

Etymologie de la pâquerette
Le nom scientifique de la pâquerette est « Bellis perennis », du latin bellus (joli, élégant) et de per annos (à travers les années), une appellation particulièrement adapté à sa beauté poétique et à sa longévité car, tout comme les dryades et l’amour éternel symbolisé par Belides, la pâquerette vit très longtemps.
Je dois vous avouer que j’aime un peu moins la seconde explication qui, selon la théorie des signatures (l'apparence des végétaux révèlerait leur usage et leur fonction), associe bellus à « bellum » (guerre) car la fleur pousse sur les champs de bataille et soigne les blessures.

Le nom « pâquerette » serait pour certains associé à Pâques et au printemps, théorie réfutée par d’autres étymologistes dont François Morel (1756-1841) et Emile Littré (1801-1881), car la fleur fleurit de février à novembre (donc quasiment toute l’année). Selon eux, l'appellation prendrait ses sources dans l’ancien français et le mot « pasquier » qui désigne les pâturages et les prairies, les terrains de floraison principaux des pâquerettes.

Aujourd’hui, chez les fleuristes, on trouve une multitude de cultivars de la pâquerette, différentes variétés cultivées et obtenues artificiellement. Ainsi la pâquerette se pare de différents tons de rose, rouge, jaune… On la trouve également en fleurs doubles ou bien plus grandes fleurs ressemblants à de gros pompons.

Selon les régions et les pays, la pâquerette porte d’autres petits noms : petite marguerite, pâquerette des près, fleur de Pâques, tommheolig en breton, petite consyre, fleur de tous les mois…

Dans les pays anglo-saxons, on la nomme daisy, de daeges eage (day’s eye ou « œil du jour » en français), allusion à la fleur qui s'ouvre à l’aurore et se ferme au crépuscule.

De l’usage pragmatique de la pâquerette
La pâquerette a été longtemps utilisée dans un but thérapeutique, elle soignait notamment certaines maladies de la peau, les contusions et les œdèmes.

On la retrouve aujourd’hui plus facilement dans nos assiettes car ce qu’on sait moins, c’est qu’elle est comestible. On pourrait la manger crue en salade, en guise d’herbe dans un fromage, en décoration, ou bien cuite dans une soupe, une quiche, en omelette, dans une poêlée de légumes ou une farce… ou encore en pâtisserie (gâteaux, gaufres…). Les possibilités sembleraient illimitées.

Je n’ai absolument aucun conseils à vous donner, que ce soit dans le domaine de la santé ou en matière de cuisine (je ne mange pas de fleurs, je n’aime pas cela), je vous laisse donc entamer vos propres recherches si le sujet vous intéresse.

La pâquerette, fleur préférée des poètes
Victor Hugo (1802-1885)
Extrait du poème À Granville, en 1836
Recueil Les Contemplations
Poème complet sur Wikisource

L’herbe éclate en pâquerettes ;
Les parfums, qu’on croit muets,
Content les peines secrètes
Des liserons aux bleuets.

Les petites ailes blanches
Sur les eaux et les sillons
S’abattent en avalanches ;
Il neige des papillons.


Théophile Gautier (1811-1872)
Camélia et Pâquerette
Recueil Émaux et Camées (1852)

On admire les fleurs de serre
Qui loin de leur soleil natal,
Comme des joyaux mis sous verre,
Brillent sous un ciel de cristal.

Sans que les brises les effleurent
De leurs baisers mystérieux,
Elles naissent, vivent et meurent
Devant le regard curieux.

A l'abri de murs diaphanes,
De leur sein ouvrant le trésor,
Comme de belles courtisanes,
Elles se vendent à prix d'or.

La porcelaine de la Chine
Les reçoit par groupes coquets,
Ou quelque main gantée et fine
Au bal les balance en bouquets.

Mais souvent parmi l'herbe verte,
Fuyant les yeux, fuyant les doigts,
De silence et d'ombre couverte,
Une fleur vit au fond des bois.

Un papillon blanc qui voltige,
Un coup d'œil au hasard jeté,
Vous fait surprendre sur sa tige
La fleur dans sa simplicité.

Belle de sa parure agreste
S'épanouissant au ciel bleu,
Et versant son parfum modeste
Pour la solitude et pour Dieu.

Sans toucher à son pur calice
Qu'agite un frisson de pudeur,
Vous respirez avec délice
Son âme dans sa fraîche odeur.

Et tulipes au port superbe,
Camélias si chers payés,
Pour la petite fleur sous l'herbe
En un instant, sont oubliés !


Jules Bondon
La pâquerette, ou "mère de famille" symbole de l'amour maternel
Extrait de Les fleurs : fabliaux et poésies (1861)
Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

La simple fleur des champs ou mère de famille
Se parait au soleil de ses nombreux rejets,
Et contente de peu, non loin du champ fertile
S’entretenait tout bas de ses humbles projets :

« Si quelques gouttes d’eau que l’Aurore me donne
Humectent jour par jour le sol dont je dépends,
Et si l’insecte d’or à mon foyer bourdonne
Sans piquer de son dard mes boutons renaissants,
Je les verrais fleurir plus brillants que moi-même
Les cachant avec soin dans mes bras entr’ouverts,
Afin que le passant, ignorant ceux que j’aime
Ne les arrache pas à mes longs rameaux verts ! »

Comme la fleur des champs, timide Pâquerette,
Tu brilles par l’éclat de ta blanche couleur,
Prends garde qu’un passant en te voyant s’arrête
Pour t’arracher meurtrie à ton sol protecteur,
Ta mère avec Amour à ta fleur s’assimile,
Joyeuse de l’éclat qu’elle a su te donner,
Et redoute pour toi le souffle du reptile
Qui pourrait lâchement un jour te profaner !

Reste le plus longtemps humble sous la feuillée,
A l’abri du regard de tout profanateur,
Jusqu’au moment heureux par l’Amour éveillé,
Où tu pourras, sans crainte, épanouir ta fleur :
Et veillant à ton tour sur ta tige embaumée
Les rejetons charmants d’un pur et saint Amour,
Tu seras pour eux tous une mère adorée
Comme le fut la fleur qui te donna le jour !


Cicely Mary Barker (1895-1973)
The Song of Daisy Fairy

Come to me and play with me,
I’m the babies’ flower;
Make a necklace gay with me,
Spend the whole long day with me,
Till the sunset hour.

I must say Good-night, you know,
Till tomorrow’s playtime;
Close my petals tight, you know,
Shut the red and white, you know,
Sleeping till the daytime.


The Song of Michaelmas Daisy Fairy
Red Admiral, Red Admiral,
I’m glad to see you here,
Alighting on my daisies one by one !
I hope you like their flavour
And although the Autumn’s near,
Are happy as you sit there in the sun ?”

“I thank you very kindly, Sir !
Your daisies are so nice,
So pretty and so plentiful are they;
The flavour of their honey, Sir,
it really does entice;
I’d like to bring my brothers, if I may !”

“Friend butterfly, friend butterfly,
Go fetch them one and all !
I’m waiting here to welcome every guest;
And tell them it is Michaelmas,
And soon the leaves will fall,
But I think Autumn sunshine is the best !


The Song of the Double Daisy Fairy
Dahlias and Delphiniums,
you’re too tall for me;
Isn’t there a little flower
I can choose for D ?

In the smallest flower-bed
Double Daisy lifts his head,
With a smile to greet the sun,
You, and me, and everyone.

Crimson Daisy, now I see
You’re the little lad for me !



Crédit photos :
- Pâquerettes : © photos personnelles
- Dryade : The Dryad, Evelyn De Morgan (1855–1919)
- Vertumne : Marbre des musée des Beaux-Arts de Tours, Agota - CC BY-SA 3.0 (2013)
- The Boating Party : Jules Scalbert (1851-1933) - Wikimedia Commons
- Bellis perennis : Johann Georg Sturm (1796)
- Pâquerette pomponette - Gänseblümchen (Maßliebchen) : A,Ocram - CC0 (2016)
- Peinture : Pâquerettes, William-Adolphe Bouguereau (1894)
- Flower Fairies : © The Complete Book of the Flowers Fairies, Cicely Mary Barker (1996)


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