Coup de gueule : le film Santa & Cie (2017)

Un de ces jours, il faudra que je vous propose un article sur mes opinions impopulaires concernant Noël, et croyez-moi, j'en ai quelques-unes qui pourraient même vous surprendre.

Commençons par un film, Santa & Cie. C'est désormais officiel, car je l'ai enfin vu (samedi dernier), je n'aime pas Santa & Cie de et avec Alain Chabat, sorti en décembre 2017. J'ai clairement traîné la patte pour le regarder car je n'aime pas Chabat. Disons plutôt que je n'ai rien contre lui personnellement, c'est juste qu'il ne m'a jamais fait rire (une exception toutefois : La Cité de la peur mais il ne l'a pas réalisé et il n'était pas seul à l'écriture). Qu'est-ce que je peux bien reprocher à ce film de Noël que tout le monde adore ?


Premier point : il n'y a aucun enjeu dramatique, rien, nada, le vide intersidéral.
Les scènes sont une succession de sketches sans queue ni tête où on a ajouté artificiellement des pseudos péripéties et obstacles pour donner l'impression au spectateur qu'il se passe quelque chose à l'écran (le casse de la pharmacie, l'anniversaire de la gamine russe avec sa mère, etc...). Le film est d'une pauvreté scénaristique consternante.

Second point : les jeux de mots foireux et autres "bons" mots qui ne font pas rire. "Appelez Ralph le renne !", "Je veux bien du lait mais végétal car je suis intolérant au lactose", etc, etc, etc... et c'est comme ça durant 1 h 40. Je n'ai pas ri une seule fois durant tout le film, je me disais qu'il y aurait bien un moment où j'allais me marrer ou au moins sourire... bin non. J'ai trouvé le temps long.

Troisième point : Audrey Tautou et son jeu de titi parisien. C'est pour le moins gênant pour un personnage qui est sensée dégager de la féérie. Au-delà de cela, son personnage de Mère Noël ne sert strictement à rien, elle n'est utilisée à aucun moment dans l'histoire. Pourquoi ?

Quatrième point : les acteurs ne nous font pas oublier la présence de la caméra, posée devant eux. Gros soucis de mise en scène et tout le monde joue de manière catastrophique. Attention, je ne dis pas que tous les acteurs sont mauvais, je dis juste qu'ils ne sont pas dirigés. Bacri s'en sort bien, mais son rôle est anecdotique et dure 5 secondes montre en main.

Santa & Cie est très inspiré par les Noël de culture nord-américaine et le film avait une réelle ambition, cela se sent d'ailleurs particulièrement dans les décors et les costumes qui sont assez prodigieux et d'une folle créativité... tout en proposant une vision du Pôle Nord un peu "autre" et d'une poésie totalement enthousiasmante qui ne ressemble qu'à elle même. En outre, toutes les scènes d'ouvertures au Pôle Nord sont magnifiques (ainsi que la scène finale), bourrées de belles idées féériques (les bulles qui portent les lettres, la fabrication des jeux et jouets qui est absolument géniale et je pèse mes mots, les elfes (seulement 2 acteurs pour jouer 92 000 rôles, l'idée est tellement fun et brillante !) , les lieux eux-mêmes sont beaux, tout simplement... J'ai adoré tout cela. Vraiment. Le soucis c'est qu'entre le début et la fin, il y a un abyssal trou noir, durant 90 % du film. J'aurais très sincèrement voulu l'aimer, je l'espérais même fortement car on n'a pas si souvent l'occasion de voir un film de Noël français aussi ambitieux. C'est triste d'avoir gâché un tel potentiel, c'est même déchirant.

En France, ceux qui travaillent dans le milieu du cinéma veulent tout faire : réaliser, écrire et jouer... on devrait déléguer un peu plus à ceux qui savent faire et s'en tenir à sa part. N'est pas Jon Favreau qui veut. Je ne parviens pas à juger positivement un film uniquement sur sa bonne volonté, c'est clairement insuffisant, on ne fait pas rêver les spectateurs sous prétexte qu'on est méritant et qu'on a le désire de bien faire, ce désir lui-même ne suffit pas. Oui, je suis dure, mais ce n'est pas en proposant des films de Noël mal écrits qu'on va réussir à intéresser un peuple réfractaire à la féérie à s'intéresser au genre de Noël et plus globalement à la culture fantastique, j'entends de manière sérieuse, en élevant les consciences par le haut. Je crois que ce film m'a mise en colère (d'où mon coup de gueule). En France, quand on adapte Maupassant, on fait des téléfilms et quand on a une véritable vision artistique, on crée une BD car ça coûte moins cher à produire qu'un film (allez trainer vos guêtres dans les rayons BD des librairies, ça laisse songeur…) Et à quand remonte une adaptation française de Jules Verne digne de ce nom ? Et Barjavel, il est où au cinéma ? Pourquoi des gens comme Jean-Pierre Jeunet se sont expatriés aux USA pour réaliser les films dont ils rêvaient et s'y sont cassés les dents car leur vision européenne ne matchait pas avec la politique des studios ? Pourquoi la France n'a pas daigné s'intéresser à des gens comme Marc Caro ? Pourquoi René Laloux est-il encore si peu connu du grand public dans son propre pays ? Pourquoi est-ce un réalisateur néo-zélandais qui adapte L'Incal ? Je vous le demande, et le cris haut et fort : en termes de culture cinématographique fantastique, les Français, vous êtes où ? Où sont les héritiers de Jean Cocteau ? Jacques Demy ? Georges Méliès ? Georges Franju ? Christian-Jaque ? Et si vous qui me lisez n'avez pas la moindre idée de qui sont tous ces gens, c'est que, je vous le confirme, en France nous avons un vrai problème avec le genre fantastique.

Pourquoi en France crois-t ‘on dure comme fer que le cinéma de Noël est un sous-genre pour enfants attardés ?

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