Clement Clarke Moore a-t-il vraiment écrit La Nuit avant Noël ?

Twas the Night Before Christmas (La Nuit avant Noël), également connu sous les titres The Night Before Christmas et A Visit from St. Nicholas, est une oeuvre véritablement à part dans la culture américaine. C'est ce poème qui est la base du Père Noël tel qu'on le conçoit aujourd'hui aux Etats-Unis et plus globalement dans les pays anglo-saxons, voir même dans le reste du monde, et ce depuis la seconde moitié du 19ème siècle. Ce poème a quasiment tout inventé, toutefois largement inspiré par The Children's Friend de Arthur J. Stansbury (1821) : l'allure physique générale du Père Noël, ses vêtements et accessoires, son moyen de transport (le traîneau), le nombre de ses rennes (8) ainsi que leur nom...


Clement Clarke Moore est-il l'auteur de Twas the Night Before Christmas ?
Le poème a été édité pour la première fois le 23 Décembre 1823, anonymement, à Troy (état de New York) dans le journal Sentinel sous le titre Twas the Night Before Christmas. En 1837, les vers avaient été attribués à Clement Clarke Moore (1779-1863), professeur de lettres et de théologie new yorkais et poète à ses heures perdues. Moore était par ailleurs voisin et ami de de l'éditeur de Stansbury, William B. Gilley.
Moore aurait écrit cette poésie pour ses six enfants afin de les distraire en attendant le Père Noël. L'auteur aurait préféré être reconnu pour des oeuvres plus "érudites" et ne souhaitait pas que son poème sorte du domaine privé et familial. L'histoire raconte que Miss Hariett, une amie de la famille, aurait tellement aimé le poème qu'elle l'aurait sutilisé à son propriétaire afin de l’envoyer à Orville L. Holly, éditeur du journal local de Troy, sans le consentement de Moore.

Clement Clarke Moore


Le poème fut republié dans sa version définitive en 1844 dans une anthologie de Clement Clarke Moore. C'est d'ailleurs à cette occasion que Moore, poussé par ses enfants, réclama la paternité de l'oeuvre pour la première fois. Entre 1823 et 1844, le texte a connu plusieurs publications ainsi que diverses variations orthographiques, notamment dans le nom des rennes, ce qui aura par la suite quelques conséquences...

Une contreverse suivie de 137 années de recherches scientifiques !
Au début des années 1860, est née une controverse quant à la paternité du poème. Après le décès de Clement Clarke Moore en 1863, les descendants de Henry Livingston, Jr. (1748-1828), écrivain, poète, juge et homme d'affaires, déclarèrent que Twas the Night Before Christmas était l'oeuvre de leur père qui leur récitait le poème lorsqu'ils étaient enfants.
Professeurs, historiens et chercheurs enquêtèrent alors longuement sur le sujet, la dernière investigation remontant à l'an 2000 ! Des experts en linguistique et en calligraphie sont même allés jusqu'à avancer diverses théories sur l’origine possible du nom des rennes tels qu’ils apparaissaient dans le manuscrit de Clement Clarke Moore, des noms soit disant issus du néerlandais, langue que Moore ne parlait pas. D’autres thèses sont venues contrecarrer les premières conclusions. Aujourd’hui le mystère reste donc entier...

Henry Livingston, Jr.


Le procès de 2014
Les descendants des deux auteurs supposés ont su prendre du recul et s’amuser de cette histoire alambiquée et de leur héritage. Le 7 décembre 2014, à Troy, les deux familles ont organisé un simulacre de procès, dans une ambiance festive, amicale et bon enfant. Le juge était un vrai juge… mais retraité, et on choisit les 6 membres du jury parmi les spectateurs ! Le verdict, unanime, a été en faveur de Livingston.

A titre personnel, je note toutefois que :
  • de son vivant Livingston n’a jamais revendiqué être l’auteur du poème
  • pouvoir réciter un poème ne prouve nullement qu'on en soit l'auteur
  • le manuscrit de Moore existe bel et bien
  • Moore connaissait personnellement l'éditeur du poème dont il s'était inspiré.

  • Je laisse chacun libre des ses conclusions...


    La Nuit avant Noël

    A Visit from St. Nicholas - Illustration de Louis Prang (1864)


    C'était la nuit de Noël, un peu avant minuit,
    À l'heure où tout est calme, même les souris.
    On avait pendu nos bas devant la cheminée,
    Pour que le Père Noël les trouve dès son arrivée.

    Blottis bien au chaud dans leurs petits lits,
    Les enfants sages s'étaient déjà endormis.
    Maman et moi, dans nos chemises de nuit,
    Venions à peine de souffler la bougie,

    Quand au dehors, un bruit de clochettes,
    Me fit sortir d'un coup de sous ma couette.
    Filant comme une flèche vers la fenêtre,
    Je scrutais tout là haut le ciel étoilé.

    Au dessus de la neige, la lune étincelante,
    Illuminait la nuit comme si c'était le jour.
    Je n'en crus pas mes yeux quand apparut au loin,
    Un traîneau et huit rennes pas plus gros que le poing,

    Dirigés par un petit personnage enjoué:
    C'était le Père Noël je le savais.
    Ses coursiers volaient comme s'ils avaient des ailes.
    Et lui chantait, afin de les encourager:

    "Allez Tornade!, Allez Danseur!
    Allez , Furie et Fringuant!
    En avant Comète et Cupidon!
    Allez Eclair et Tonnerre!
    Tout droit vers ce porche,
    Tout droit vers ce mur!
    Au galop au galop mes amis!
    Au triple galop!"

    Pareils aux feuilles mortes, emportées par le vent,
    Qui montent vers le ciel pour franchir les obstacles,
    Les coursiers s'envolèrent, jusqu'au dessus de ma tête,
    Avec le traîneau, les jouets et même le Père Noël.

    Peu après j'entendis résonner sur le toit
    Le piétinement fougueux de leurs petits sabots.
    Une fois la fenêtre refermée, je me retournais,
    Juste quand le Père Noël sortait de la cheminée.

    Son habit de fourrure, ses bottes et son bonnet,
    Étaient un peu salis par la cendre et la suie.
    Jeté sur son épaule, un sac plein de jouets,
    Lui donnait l'air d'un bien curieux marchand.

    Il avait des joues roses, des fossettes charmantes,
    Un nez comme une cerise et des yeux pétillants,
    Une petite bouche qui souriait tout le temps,
    Et une très grande barbe d'un blanc vraiment immaculé.

    De sa pipe allumée coincée entre ses dents,
    Montaient en tourbillons des volutes de fumée.
    Il avait le visage épanoui, et son ventre tout rond
    Sautait quand il riait, comme un petit ballon.

    Il était si dodu, si joufflu, cet espiègle lutin,
    Que je me mis malgré moi à rire derrière ma main.
    Mais d'un clin d'oeil et d'un signe de la tête,
    Il me fit comprendre que je ne risquais rien.

    Puis sans dire un mot, car il était pressé,
    Se hâta de remplir les bas, jusqu'au dernier,
    Et me salua d'un doigt posé sur l'aile du nez,
    Avant de disparaître dans la cheminée.

    Je l'entendis ensuite siffler son bel équipage.
    Ensemble ils s'envolèrent comme une plume au vent.
    Avant de disparaître le Père Noël cria:
    "Joyeux Noël à tous et à tous une bonne nuit"



  • Vous pouvez télécharger gratuitement et légalement le poème en anglais sur le site du Projet Gutenberg (eBook #17135).
  • Sa version illustrée (Jessie Willcox Smith, 1912) est consultable sur cette page.
  • Le texte dans sa version originale est disponible sur iment.com.
  • Plus d'informations sur Wikisource.org (en) (où vous trouverez notamment les différentes versions du poème en anglais)

  • Article édité et mis à jour le 30 Novembre 2015 et le 23 septembre 2024

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