Aux origines du chant "Deck the Halls"

Il est un chant de Noël que j’aime beaucoup et qui, malgré les on-dit communément répandus, n’est absolument pas du tout nord-américain, mais originaire du Pays de Galles. Je l’aime d’ailleurs suffisamment pour avoir nommé mon blog en hommage aux paroles cette chanson (Tis the Season…). Il était donc naturel que je me penche sur l’histoire de cet air hivernale si célèbre... Deck the Halls

La chanson Deck the Halls (le titre Deck the Hall au singulier est devenu pluriel en 1892) est un chant gallois traditionnel de Noël et de Yule (célébration pré-chrétienne du solstice d’hiver dans les pays nordiques et germaniques), que l’on connaît également aujourd’hui sous le titre Falalalala et qui au 16ème siècle s’appelait Oer Yw'r Gwr (Nos Galan), ce qui signifie Nouvel An.

Au 17ème siècle, il était de coutume au Pays de Galles de danser en cercle autour d’un harpiste, la harpe étant l’instrument traditionnel gallois par excellence (les plus grands harpistes de l’époque étaient d’ailleurs extrêmement considérés par la haute société). On organisait également des concours de penillions, où les participants venaient chanter en contrepoints des vers sur des airs populaires interprétés à la harpe, parfois le chanteur était seul, parfois plusieurs personnes formaient un chœur. En groupe, on faisait donc la part belle à Nos Galan, air festif par excellence. Un premier chanteur du cercle de danse entonnait le premier vers et ainsi de suite. Chaque vers était une réponse au vers précédent et si un chanteur faillait à la tâche il était exclu du cercle. Entre deux vers, le harpiste continuait à jouer, ce qui devint le célèbre « fa la la » tandis que le nombre de chanteurs diminuait…

Plus tard, au 18ème siècle, ce vieil air traditionnel a été retrouvé dans un ancien manuscrit de chants de bardes du Pays de Galles par le harpiste gallois John Parry (1710-1782) et son assistant Evan Williams (Parry était aveugle). Parry l’aurait retranscrit avec quelques variations, et dicté à Williams.
Nos Galan aurait en outre été utilisé par Wolfgang Amadeus Mozart en 1789 dans sa Sonate pour piano n°18.

Le chant fut publié pour la première fois en 1794 par le musicien Edward Jones. Le texte de la chanson parle de châtaignes, de trèfle, de pain, de chaleur, d’amour, de corps doux (si, si !), de baisers, de béatitude et de fleurs. Je vous le demande, quoi de plus réconfortant ?

O mor gynnes mynwes meinwen,
fal lal lal lal lal lal lal lal la.
O mor fwyn yw llwya meillionen,
fal lal lal lal lal lal lal lal la.
O mor felus yw'r cusanau,
Gyda serch a mwynion eiriau
fal lal lal lal lal lal lal lal la.

Oh! how soft my fair one's bosom,
fal lal lal lal lal lal lal lal la.
Oh! how sweet the grove in blossom,
fal lal lal lal lal lal lal lal la.
Oh! how blessed are the blisses,
Words of love, and mutual Kisses,
fal lal lal lal lal lal lal lal la.


En 1803 le compositeur autrichien Joseph Haydn composa un arrangement de Nos Galan (Hob. XXXIb: 29, 1803) ce qui aida à populariser l’air gallois de par le monde.


Par la suite, le poète gallois Jon Jones (1810 -1869), connu sous son nom bardique de Talhaiarn, a écrit de nouvelles paroles et ajouta beaucoup de gaieté au chant traditionnel. Le texte et la partition de cette version furent publiés en 1862 dans le recueil de chansons galloises de John Thomas, Welsh Melodies with Welsh and English Poetry.

Goreu pleser ar nos galan,
Fa, la la…
Tŷ a thân a theulu diddan,
Fa, la la…
Calon lân a chwrw melyn,
Fa, la la…
Pennill mwyn a llais y delyn
Fa, la la…

Hyfryd gweled ar yr aelwyd
Fa, la la…
Hen ac ieuangc mewn dedwyddyd
Fa, la la…
Pawb ddymunant o lawenydd
Fa, la la…
Groesaw llawn i'r flwyddyn newydd.
Fa, la la…


Que l’on pourrait en français traduire par :

Les plus grands plaisirs du Nouvel An
Sont la maison, l’âtre et la famille
Un cœur pur et une bière blonde
Un doux chant et le son de la harpe.

Il est agréable de voir autour du foyer
Jeunes et vieux réunis dans le bonheur
Tous souhaitant dans la joie
La bienvenue à la nouvelle année.


Cette publication de 1862 était également accompagnée pour la première fois d’une traduction en anglais. Le texte fut à l’époque traduit du gallois par le musicien écossais Thomas Oliphant (1799–1873, né en décembre et baptisé le jour de Noël !), d’après les paroles de Talhaiarn. Oliphant, membre de la Madrigal Society (l’un des plus vieux clubs musicaux européens) était un homme très respecté et musicien pour le Prince de Galles. Il passait une partie de son temps à traduire des chansons célèbres, sans en connaître pourtant la langue d’origine ! Son travail consistait donc non pas à traduire, mais à adapter. Oliphant a ainsi transformé la chanson hivernale du Nouvel An Nos Galan en chanson de Noël, s’inspirant toutefois des traditions galloises (les danses, la harpe…).


Adaptation de Oliphant :

Deck the hall with boughs of holly,
Fa, la, la, la, la, la, la, la, la!
'Tis the season to be jolly,
Fa, la, la, la, la, la, la, la, la!
Fill the meadcup, drain the barrel,
Fa, la, la, la, la, la, la, la!
Troul the ancient Christmas carol,
Fa, la, la, la, la, la, la, la!

See the flowing bowl before us,
Fa, la, la, la, la, la, la, la, la!
Strike the harp and join the chorus.
Fa, la, la, la, la, la, la, la, la!
Follow me in merry measure,
Fa, la, la, la, la, la, la, la!
While I sing of beauty's treasure,
Fa, la, la, la, la, la, la, la, la!

Fast away the old year passes,
Fa, la, la, la, la, la, la, la, la!
Hail the new, ye lads and lasses!
Fa, la, la, la, la, la, la, la, la!
Laughing, quaffing all together,
Fa, la, la, la, la, la, la, la!
Heedless of the wind and weather,
Fa, la, la, la, la, la, la, la, la!


Je vous livre une traduction en français de mon jus (d’après recherches sur les différentes tournures employées) :

Décorez de branches de houx votre logis
C'est la saison des réjouissances,
Remplissez les verres, videz les tonneaux
Entonnez le vieil air de Noël

Voyez l’hydromel couler à flot
Laissez la harpe et entrez dans la danse,
Suivez-moi joyeusement dans la mesure
Tandis que je chante les louanges de la beauté

Au loin s’en va l’année passée
Gars et filles saluez le nouvel an,
Rions et buvons tous ensemble,
Et oublions le vent et le mauvais temps.


Aux alentours de 1873, le poète gallois John Ceiriog Hughes (1832-1887) écrivit une version alternative de Nos Galan, Cold Is The Man.

Oer yw'r gwr sy'n methu caru,
Fal la la la la, la la la la.
Hen fynyddoedd anwyl Cymru,
Fal la la la la, la la la la.
Iddo ef a'u car gynhesaf,
Fal la la la la, la la la la.
Gwyliau llawen flwydd nesaf,
Fal la la la la, la la la la.

I'r helbulus oer yw'r biliau
Fal la la la la, la la la la.
Sydd yn dyfod yn y Gwyliau,
Fal la la la la, la la la la.
Gwrando bregeth mewnun pennill,
Fal la la la la, la la la la.
Byth na waria fwy na'th ennill
Fal la la la la, la la la la.

Oer yw'r eira ar Eryi,
Fal la la la la, la la la la.
Er fod gwrthban gwlanen arni,
Fal la la la la, la la la la.
Oer yw'r bobol na ofalan',
Fal la la la la, la la la la.
Gwrdd a'u gilydd Ar Nos Galan,
Fal la la la la, la la la la.


La voici chantée en gallois :


La traduction en anglais la plus communément acceptée :

Cold is the man who can’t love,
Fa la la la la, la la la la,
The old mountains of dear Wales,
Fa la la la la, la la la la,
To him and his warmest friend,
Fa la la, la la la, la la la,
A cheerful holiday next year,
Fa la la la la, la la la la.
Cold is the snow on Mount Snowdon,
Fa la la la la, la la la la,
Even though it has a flannel banket on it,
Fa la la la la, la la la la,
Cold are the people who don’t care,
Fa la la, la la la, la la la,
To meet together on New Year’s Eve,
Fa la la la la, la la la la.


Cette version de Hughes met l’accent sur l’hiver rigoureux du Pays de Galles et le cœur des Hommes qui pour se réchauffer a besoin de ses amis et de ses proches. Ainsi, celui qui ne célèbre pas le Nouvel An aurait le cœur plus froid que les montagnes enneigées du cher pays Gallois.

Une autre version est apparue aux Etats-Unis en 1877 dans le Pennsylvania School Journal supprimant toutes les références à l’alcool et surtout remplaçant Christmas (Noël) par Yule (solstice d’hiver), en revenant du coup à la thématique originale hivernale du 16ème siècle.

Deck the hall with boughs of holly,
Fa la la la la, la la, la, la.
'Tis the season to be jolly,
Fa la la la la, la la, la, la.
Don we now our gay apparel,
Fa la la, la la la, la, la, la.
Troll the ancient Yuletide carol,
Fa la la la la, la la, la, la.

See the blazing Yule before us,
Fa la la la la, la la, la, la.
Strike the harp and join the chorus,
Fa la la la la, la la, la, la.
Follow me in merry measure,
Fa la la la la, la la, la, la.
While I tell of Yuletide treasure,
Fa la la la la, la la, la, la.

Fast away the old year passes,
Fa la la la la, la la, la, la.
Hail the new, ye lads and lasses,
Fa la la la la, la la, la, la.
Sing we joyous all together,
Fa la la la la, la la, la, la.
Heedless of the wind and weather,
Fa la la la la, la la, la, la.


Ma proposition de traduction en français :

Décorez de branches de houx votre logis,
C'est la saison des réjouissances,
Il est temps de revêtir de nos plus beaux habits de fête,
Entonnez le vieil air de l’hiver

Voyez la bûche flamboyer devant vous
Laissez la harpe et entrez dans la danse,
Suivez-moi joyeusement dans la mesure
Tandis que je chante les trésors de l’hiver

Au loin s’en va l’année passée
Gars et filles saluez le nouvel an,
Chantons joyeusement tous ensemble
Et oublions le vent et le mauvais temps.


Aux 20ème et 21ème siècle, la chanson a bien évidemment été adaptée des centaines de fois, par des artistes très différents allant des Red Hot Chili Peppers en 1994 en version parodique bonus sur leur album Out in L.A., les Pentatonix, Julie « Mary Poppins » Andrews, Frank Sinatra, Bing Crosby, Kim Wilde, les Platters, les personnages de Sesame Street, etc… Ma préférence va à la version de Nat King Cole.


Je trouve tout à fait fascinant que cette chanson soit parvenue à traverser le temps et les continents et qu’en l’espace de cinq siècles elle ait connu plusieurs versions pour finalement revenir à sa signification originelle, avec toutefois des paroles très différentes.

La dernière version (1877, venant des USA), celle que nous connaissons aujourd’hui, reste très « propre », elle a éliminé la douceur charnelle du texte 16ème siècle et l’alcool festif de celui de 1862. A noter également que seule la version de Talhaiarn faisait référence directement à la famille. Seuls points communs à toutes les versions : la joie et une volonté farouche de faire fuir l’hiver et le froid, que ce soit par la présence des corps, le feu, l’alcool, le chant ou encore les danses endiablées.

Je vous livre pour finir en beauté une ultime version, en français dans le texte cette fois, tirée du film Barbie, la magie de Noël et interprétée par mon amie Muriel, un énorme merci à elle pour cette merveille méconnue.



Sources :
  • Advent Calendar Clips
  • Galaxy Music Notes
  • Gazette 665
  • Genius
  • Google Books
  • Handy Finch
  • Khaliela Wright
  • National Museum Wales
  • Wikipedia (.fr et .com)
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