La Befana, la gentille sorcière de l'Epiphanie

La Befana est une cousine éloignée du Père Noël. Cette bonne fée de l’hiver aux allures de sorcière est une grande figure du folklore italien. La Befana signifie à la fois la fête de l'Epiphanie et sa personnification mais son origine remonterait à des temps ancestraux pré-chrétiens, notamment à la fête romaine célébrée chaque année en l’honneur de la déesse Strena (qui donnera plus tard le mot « étrennes ») et du dieu Janus (fêté le 1er janvier), où on s’échangeait des cadeaux.


La légende de la Befana
La tradition fut par la suite récupérée par la religion catholique et christianisée. Selon une légende, une vielle dame veuve, triste, très mélancolique et sans enfants vivait non loin de Bethléem. Un soir d’hiver, alors qu’elle marchait en forêt ramassant du bois pour son feu, elle croisa le chemin d’un bien étrange cortège à dos de chameaux. Les cavaliers lui demandèrent leur chemin pour Bethléem où ils se rendaient pour rendre hommage à l’Enfant Roi. Ravie de cette annonce, elle voulut les suivre mais avant fit demi-tour afin de récupérer ses fagots de bois, de peur qu’on les lui vole. A son retour, les Mages avait disparu. Elle erra alors dans les campagnes en quête du cortège et du Divin Enfant, demandant son chemin aux villageois. Chacun lui dit que l’enfant Jésus était né dans une grotte qu’elle finirait par trouver si son cœur le souhaitait vraiment. La vieille dame parcourut alors des kilomètres et des kilomètres à travers le monde et, en chemin, remplit son sac de cadeaux pour le nouveau-né. Il est dit qu’elle fut chassée d’Europe du Nord par Saint Nicolas qui la prit pour une sorcière ! Elle se réfugia alors en Italie et y demeura à tout jamais. Elle se mit alors à pénétrer dans toutes les maisons, n’ayant pas renoncé à trouver le nourrisson tant recherché. Saint Joseph, ému par sa quête, lui dit alors qu’elle trouverait l’enfant Jésus dans chaque enfant à qui elle ferait des cadeaux. Ainsi, la Befana sut que sa mission serait éternelle…



Dans une autre version de cette même histoire, la vieille paysanne mettait un point d’honneur à nettoyer et balayer sans cesse son modeste logis où elle vivait seule. Les Rois Mages, en chemin pour Bethléem, se présentèrent un jour à sa porte et lui demandèrent l'hospitalité pour la nuit. La Befana refusa prétextant ne pouvoir accueillir des invités dans une demeure aussi sale. Rongée quelques heures plus tard par le regret et pleine de remords, elle finit par se mettre en route, suivant l’Étoile du Berger, avec un baluchon plein de fruits secs et de petits gâteaux, mais sans jamais pouvoir rattraper le cortège. Elle erra donc seule et éternellement dans les campagnes italiennes à la recherche du Divin Enfant, ne perdant jamais espoir et distribuant ses confiseries à tous les enfants qu’elle rencontrait en chemin.

La Befana de nos jours

Aujourd’hui, durant la nuit du 5 au 6 janvier, la Befana rend visite à toutes les familles italiennes. Vêtue de vêtements sombres, la vieille dame aux grandes dents et à la verrue sur le nez, porte un fichu et des mocassins usés et troués, mais cette bienveillante sorcière est souvent représentée très souriante.

Elle vole à cheval sur son balai, de maison en maison, et ne se sépare jamais de ses grands sacs plein de friandises (bonbons, chocolats, caramels…) destinées aux enfants sages ou au contraire de morceaux de charbon qu’elle dépose dans les chaussettes des « cattivi », les enfants polissons. Avec le temps, le charbon a été remplacé par de la réglisse ou, plus traditionnellement, par du « carbone zuccherato » (ou carbone di zucchero), une confiserie en sucre de couleur noire très appréciée des enfants, y compris des enfants sages ! Giuliana, qui a gentiment accepté de témoigner, avoue qu’enfant, le carbone zuccherato était son bonbon préféré et qu’une fois plus âgée, même si la Befana ne passait plus pour elle, elle ne manquait pas d’aller acheter des carbone zuccherato avec sa maman sur les marchés de Noël !
Parfois, la Befana distribue également des petits jouets et se permet même de temps en temps de récupérer de belles chaussures pour remplacer ses vieux souliers très abîmés !

Ainsi, le soir du 5 janvier, les petits italiens ne manquent pas de suspendre leur « calza » (chaussette) près de la fenêtre ou au-dessus de la cheminée car chez certaines familles, comme chez Alessandra, il est dit que le Befana, à l’instar du Père Noël, passe par la cheminée !
Il est en outre de coutume dans certaines régions de laisser dans la cuisine pour la Befana un bol de soupe de haricots ou de minestrone ainsi qu’une mandarine.

Les plats traditionnels de la Befana
En Italie, l’Epiphanie (un jour férié) est une grande fête familiale marquant joyeusement la fin des vacances et des festivités de fin d’année et surtout la nouvelle année et le retour des beaux jours. A Rome, du 1er au 6 janvier, un marché est dédié à l’Epiphanie sur la Piaza Navona. On y trouve toutes les confiseries que la Befana peut apporter aux enfants et toutes les gourmandises à déguster en famille : la Panettone, le nougat et bien évidemment le carbone zuccherato…

En famille, selon les régions, on déguste la Foccacia de la Befana, un peu l’équivalent de notre Brioche des Rois, où on insère une pièce de monnaie qui doit porter chance à celui qui la trouve. Dans le Piémont, on mange la Fugassa de la Befana, une brioche fougasse aux fruits confits où on cache deux fèves, une blanche et une noire… et ceux qui les trouvent doivent payer le pain et le vin !
En Vénitie, c’est la Pinza de la Befana qui est à l’honneur, une sorte de panettone aux fruits confits. En Toscane, on prépare également des Befanini, des biscuits au zeste de citron parfois garnis de raisins secs ou de pépites de chocolat.

Les traditions locales
À Recoaro Terme, en Vénétie, on célèbre le « Rogo della Stria », le bûcher de la sorcière. A cette occasion, on organise des courses de traineaux et des figurants mettent en scène une crèche vivante. On défile au flambeau et des cortèges d’enfants déguisés en lutins parcourent les rues en chantant, lançant des bonbons et portant le mannequin de la « Stria » (la sorcière). Le mannequin est finalement brûlé dans un grand feu de joie.
A Venise perdure la tradition du « Falò della befana » (Feu de la Befana), un rite conjurant le mauvais sort et présageant les bonnes récoltes de l’année à venir.





À Milan a lieu la célèbre et excentrique « Befana à moto » où des centaines de motards traversent la ville apportant gâteaux et friandises… aux maisons de retraites !

En Toscane, les très anciens charivaris destinés à effrayer les forces obscures et se protéger des maléfices ont été remplacés par des quêtes d’enfants déguisés défilant dans les rues, des « Bejanata ». L’un des enfants est désigné pour figurer la sorcière Befana tandis que les autres entonnent gaiement des chants et tous vont frapper aux portes pour quémander quelques oboles (des confiseries, une étrenne…).

La Befana étant extrêmement populaire, durant toute la période des fêtes, on trouve dans les magasins des figurines et des poupées à son effigie, portant des haillons très colorés et avec parfois des yeux qui s’éclairent.

La Befana en chanson
La Befana en pleine représentation (Epcot Center en Floride)

Des comptines sont dédiées à la Befana, la principale existe dans 15 versions différentes ! (on les trouve toutes sur Wikipedia) :
« La Befana vien di notte
con le scarpe tutte rotte
viene bussa e scappa via
la Befana è mamma mia.
»

(« La Befana vient la nuit
avec des chaussures usées
elle vient frapper à la porte puis s'enfuit
la Befana est ma maman. »)

Ou encore :
« La Befana vien di notte
con le scarpe tutte rotte
porta un sacco pien di doni
da regalare ai bimbi buoni
»

(« La Befana vient la nuit
avec ses chaussures toutes abimées
et porte un sac plein de dons
à offrir aux enfants sages »)

Un poème mettant en scène un chat a été également écrit en son honneur. J’ai pu le lire dans l’excellent ouvrage Biographies du Père Noël de Catherine Lepagnol, il est tiré d’un manuel scolaire de cours élémentaire et traduit par Madame Laura Colonnetti :

« La Befana : est-ce que tu l’as vue, toi ?
Est-ce vrai qu’elle va de l’un à l’autre toit ?
Franchement, je ne peux rien dire ;
De Befanes, je n’en sais rien !
Cette question, tu n’as qu’à la poser au chat
Le nôtre par exemple passe son temps sur le toit
Et il s’y connaît, ma foi !
Oh là là !
C’est que le chat
Le chat a un gros défaut…
Pour répondre il dira : miaou
Et qui donc le comprendra ?
C’est pas moi : j’en suis bien sûre
Le mystère de la Befane
Le mystère
Encore perdure…
»

La Befana au cinéma

Le 27 décembre 2018 en Italie est sorti le film La Befana vien di notte de Michele Soavi avec Paola Cortellesi dans le rôle titre. Cette comédie visiblement fort sympathique (que j'aimerais bien voir) conte les aventures de Paola, institutrice le jour mais qui, la nuit venue, se transforme... en sorcière de Noël !

Bande-annonce originale :


La Befana fascista
La Befana fascista (devenue en 1934 « Befana del Duce » ou « Natale del Duce » en l'honneur de Benito Mussolini) était une célébration caritative sous le régime fasciste en faveur des familles défavorisées et des enfants oubliés. Ainsi, dès la fin des années 1920 (la mise en place du programme eut lieu le 6 janvier 1928), de nombreuses entreprises, commerçants, agriculteurs et industriels ont collecté des dons allouées aux familles les plus pauvres du pays. En 1930, on récolta plus de 600 000 cadeaux et ce sont pas moins de 1 243 351 dons qui furent collectés en 1932 ! Cette tradition a perduré durant la seconde guerre mondiale puis dans les décennies qui suivirent, avant de s'éteindre à la fin des années 1970.


Vidéo d'actualités du 12 janvier 1943 :


Proverbe & sagesse populaire
En Italie, il est coutume de dire « l'Epifania tutte le feste le porta via » (l’Epiphanie emporte toutes les fêtes)… c’est la dernière des fêtes, et l’Epiphanie les emporte toutes avec elle. Ainsi se clôture le cycle des 12 jours de Noël (du 25 décembre au 6 janvier) en Italie...



Sources :
- Un grand merci à Giuliana et à Alessandra pour leur aide et leur témoignage et à Sylvie pour la mise en contact
- Le Grand Livre des Esprits de Noël de Richard Ely
- Biographies du Père Noël de Catherine Lepagnol
- italienpasta.com
- ilristorante.fr
- venisejetaime.com
- curiosando708090.altervista.org
- Wikipedia

Photos :
- David Glover | CC-NC-ND-2.0
- La Bottega di Nicolai - Eleonora Gianinetto | CC
- Antonio Martinetti | CC-NC-ND-2.0
- Giuseppe Belli | CC-NC-2.0
- Epcot Center | Donna S02 | CC-NC-ND-2.0
- Bambini con regali della befana fascista | Eboli Archivio Digitale

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